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  • Le C-10 ne fera rien pour traiter les graves pénuries de soins de santé mentale dans nos prisons

    Le C-10 ne fera rien pour traiter les graves pénuries de soins de santé mentale dans nos prisons

    Howard Sapers, du Bureau de l’enquêteur correctionnel Canada, expliquait au comité sénatorial aujourd’hui que le système correctionnel fédéral fait face à de graves pénuries d’espaces et de ressources, surtout en matière de programmation pour délinquants.Sapers donnait en exemple le cas du pénitencier de Cowansville, un cas très typique selon lui. Sur les 466 détenus qui s’y retrouvent à présent, 42 participent à des programmes, tandis que 180 noms figurent sur des listes d’attentes. « Il faut comprendre que les détenus passent de plus en plus de temps dans leurs cellules, sans aucune programmation, » disait-il.

    Et il s’agissait là de chiffres pour tous types de programmes. En matière de programmes relatifs aux troubles mentaux, ces chiffres sont encore plus sérieux.

    Ce qu’il faut comprendre, soulignait Sapers, c’est que « les prisons ne sont pas des hôpitaux, mais certains des délinquants sont des patients ».

    Pour ceux-ci, « leurs besoins de santé doivent être comblés avant que n’importe quel autre objectif correctionnel puisse être atteint. »

    Le sénateur Cowan, lui, en saisissait pleinement les conséquences : « En ce qui a trait à la sécurité publique, il faut savoir qu’à un moment donné, ces délinquants vont se retrouver dans les collectivités et si ces personnes n’ont pas été soignées comme il se doit, ça veut dire qu’au bout du compte, ce sont les citoyens et les communautés qui vont en souffrir ».

    Don Head, le commissaire du Service correctionnel du Canada, confirmait à cet égard le fait que son département éprouvait de nombreuses difficultés à recruter et à retenir les professionnels de la santé mentale. Jan Looman, directeur de programme, expliquait que chaque institution disposait d’un seul psychiatre avec 3 psychiatres supplémentaires « sous contrat ».

    La plupart des services psychologiques, expliquait M. Looman, sont maintenant offerts par des agents correctionnels qui ne disposent que « d’une formation de 10 jours, avec 3 jours supplémentaires en évaluation de risque ».

    Howard Sapers
    Howard Sapers

    Selon le sénateur Runciman, ancien ministre des Services correctionnels de l’Ontario, il faudrait développer « une approche systématique pour régler ce problème très grave », qui doit inclure, entre autre, un meilleur ratio des professionnels de la santé par rapport aux agents correctionnels.

    Contrairement à M. Sapers, M. Head, lui, semblait vouloir minimiser le problème du soin des troubles mentaux dans les pénitenciers. Le sénateur Runciman, en revanche, répondait en colère : « Vous venez devant nous, mais vous nous dites toujours la même chose ». « Corrections Canada me semble souffrir d’inertie face aux problèmes de santé mentale » ajoutait-il plus tard.

    Or, le projet de loi C-10 ne fera rien pour alléger le problème de gestion et du soin des troubles mentaux. Tel que mentionné dans un blogue précédent, l’imposition de peines minimales obligatoires (PMO) augmentera de façon sûre le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux dans le système carcéral.

    M. Sapers, qui ne pouvait commenter directement sur les PMO en raison de son mandat, a cependant exprimé qu’il avait bien de la difficulté à voir comment les services correctionnels pourront s’adapter aux nouvelles demandes dictées par le texte de la loi, étant donné le déjà peu de ressources dont ils disposent.

    Chose certaine, c’est que le profil des délinquants évolue dans le sens des groupes les plus vulnérables au pays.

    CP
    CP

    « Il y a de plus en plus de personnes âgées, plus de femmes, autochtones et autres minorités, plus de gens avec troubles mentaux et plus de toxicomanes » dans nos prisons, précisait M. Sapers.

    Quant aux toxicomanes et à l’usage de drogues dans les pénitenciers, Sapers expliquait en quoi la dépense des ressources se fait de façon assez paradoxale. L’an dernier, on augmentait les sommes d’argent pour le dépistage, tout en diminuant les sommes accordées au traitement de la toxicomanie. « Alors quand j’ai demandé au Service correctionnel combien de détenus ont commencé à utiliser des drogues à injection lors de leur rentrée dans le système, on n’a pas pu me répondre », expliquait-il. « On a donc bien de difficultés à évaluer l’efficacité de ces programmes avec de si maigres informations. »

    Voilà en somme pourquoi il nous faut une approche de santé publique intégrée au sein même d’initiatives de sécurité publique, qui se base sur des données probantes et sur un dialogue éclairée et honnête. Avec les audiences au comité se terminant demain, il est temps pour chacun d’entre nous d’encourager nos sénateurs de rejeter le projet de loi C-10 et d’exercer un leadership vers de vraies solutions à ces problèmes.

  • Les détails du C-10 seraient moins importants que son intention

    Les détails du C-10 seraient moins importants que son intention

    Témoin après témoin nous ont parlé des failles importantes du projet de loi C-10, tout particulièrement les témoins dotés d’expertises quelconques. Mais la réplique venant de la majorité des sénateurs conservateurs demeure toujours la même : « Vous dites que le projet de loi aura la conséquence X, mais c’est contraire à ce que les ministres Toews et Nicholson nous ont présenté comme étant l’intention du projet de loi ».

    Le décalage profond entre l’intention de la loi, telle que présentée par les ministres, et la lettre de la loi, c’est-à-dire ce que dit concrètement ce projet de loi, à savoir son libellé précis sur lequel tout juge au pays devra dorénavant baser ses décisions, n’a été rendu plus claire que lors des audiences de cet après-midi.

    On traitait de la partie 4 du projet, qui apportera des bouleversements majeurs à la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA). Mary-Ellen Turpel-Lafond, présidente duConseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes, soulignait à quel point le principe de non divulgation des renseignements relatifs à l’identité des adolescents, sauf pour cas extrêmes, constitue la pierre angulaire du système de justice pénal pour adolescents. Avec l’adoption du C-10, estime-elle, on permettrait dorénavant la publication de l’identité de bien plus d’adolescents, c’est-à-dire dans tout cas où il y a « infraction avec violence ».

    Marie-Pierre Blouin, une avocate dans la Section jeunesse de l’Aide juridique de Longueil, précisait alors que lorsqu’on parle de « violence » dans le système pénal pour adolescents, « il peut s’agir, par exemple, d’un délit armé avec une balle de neige ou bien d’une engueulade à coups de points dans la court d’école ». La publication des renseignements des délinquants dans de tels cas pourrait donc profondément nuire à la réinsertion d’un beaucoup plus grand nombre d’adolescents, « parce que ces informations restent publiques et sont accessibles à vie, surtout dans l’ère internet », ajoutait-t-elle.

    « L’intention du projet de loi, c’est de cibler les jeunes qui commettent des crimes violents à répétition. Il ne faut donc pas l’interpréter dans son sens plus général », disait en réplique le sénateur Wallace, président du comité. Le sénateur Lang, pour sa part, se déclarait du même avis que son collègue : « l’on pourrait débattre des nuances ou des détails du projet de loi, mais ce qui importe c’est l’esprit de la loi ».

    Pourtant, l’objectif des comités parlementaires, en particulier ceux du Sénat, c’est justement d’examiner en détail les projets de loi qui leur sont envoyés.

    Mais avec une seule journée d’étude accordée à la partie 4 du projet de loi, qui selon de nombreux témoins, bouleversa au complet le système de justice pénale pour adolescents, cet examen en détail est fort douteux.

    C’est peut-être comme le disait aujourd’huiBarry Stuart, ancien juge en chef du Yukon et pionnier en matière de justice réparatrice au Canada, le sénat « passe probablement plus de temps à examiner les différentes preuves quant à quelles avions militaires il faudrait acheter qu’à entendre les preuves sur ce qui est mieux pour nos jeunes ».

  • Where’s the beef: does the Senate have an aversion to evidence-based policy?

    Where’s the beef: does the Senate have an aversion to evidence-based policy?

    Today’s testimony focused on part 4 of Bill C-10, which would amend the Youth Criminal Justice Act. Specifically, these amendments would allow a judge to lift the publication ban on cases involving defendants as young as 12 years old, introduce dissuasion and deterrence as principals of Canadian youth justice, and make it easier to incarcerate youth convicted of violent crimes.

    The committee heard from a number of lawyers and children’s advocates, including Marvin Bernstein of UNICEF Canada, Mary-Ellen Turpel-Lafond, President, and Sylvie Godin, Vice-President of the Canadian Council of Child and Youth Advocates, and Judge Barry Stuart, former Chief Justice of the Yukon.

    These witnesses unanimously protested nearly all of the proposed amendments to the Youth Criminal Justice Act. They claimed that allowing judges to lift publication bans would have disastrous long-term consequences for young people.

    They also argued that, in the case of young offenders, a violent crime can mean throwing a snowball, throwing water on someone, or threatening a classmate. Bernstein, Turpel-Lafond and Godin also told the committee that, in their opinion, the proposed amendments were in contravention with the UN Convention on the Rights of the Child, to which Canada is a signatory.

    Judge Barry Stuart, a pioneer in restorative justice, had particularly severe warnings for the committee, claiming that if they went down this road, and further criminalized young people, that they would never attain the goals of improving victims’ rights and engaging communities in offender rehabilitation. Rather, the “tail-end” of the criminal justice system would suck up all resources that could have far greater impact on justice and public safety if spent elsewhere.

    Many Conservative senators repeated standard responses to the testimony of these witnesses. Rather than asking questions, their cross-examination seemed more an attempt to discredit their testimony. This behaviour has seemed most often on display when the committee is hearing from academic experts and legal professionals, whereas it changes to a more conciliatory tone in the presence of law enforcement officials.

    In response to the very real problems outlined in regards to Bill C-10, Senator Wallace once again repeated his favourite line: “But when Ministers Toews and Nicholson appeared before this committee, they assured us that the bill will only target violent, repeat offenders, organized criminals, and child abusers.”

    Senator Wallace seems to believe that simply repeating this mantra will make it true, despite the mountains of evidence given by representatives of children’s advocacy groups, the Canadian Bar Association, the Assembly of First Nations, as well as independent academics and many others. Unfortunately, the CDPC was not permitted to add its voice to this overwhelming chorus.

    The comportment of these Conservative Senators—Boisvenu, Lang, Frum, Dagenais, and Wallace—seems to indicate that they don’t understand the fundamental purpose of their own position: to give a sober second thought to proposed legislation one step removed from the dictates of electoral politics. Indeed, during hearings today Senator Lang went so far as to claim that “one might argue the nuances or the details, but it’s the spirit of the law that matters.” Perhaps no one told Senator Lang that the nuances and the details of the law are precisely what a senate committee is meant to discuss.

    Perhaps this disdain for evidence is what prompted Judge Barry Stuart’s remark that the Senate, “probably spends more time weighing evidence on which military aircraft to purchase than on weighing evidence on what is best for our youth.”

  • Le crime sexuel contre enfants : comment traiter de l’impensable?

    Le crime sexuel contre enfants : comment traiter de l’impensable?

    Les audiences en comité sénatorial sur le projet de loi C-10 se sont axées aujourd’hui sur les crimes d’ordre sexuel contre les enfants, un sujet à la fois très complexe et difficile d’approche.

    Ce type de crime demeure, pour la grande majorité des Canadiens, tout à fait impensable.

    Pourtant, tel que le soulignait cet après-midi Ellen Campbell du Canadien Centre for Abuse Awareness, on estime à présent que 1 garçon sur 6 et 1 fille sur 3 seront victimes d’agression sexuelle au cours de leurs vies.

    Somme toute, les témoignages en début d’après-midi révélaient non seulement la difficulté d’appréhender le « pourquoi » de ce type de crime, mais aussi à quel point les victimes font face à des dynamiques complexes lorsque l’on considère le fait suivant : contrairement aux nombreuses représentations médiatiques de « prédateurs sexuels étrangers, » la vaste majorité des victimes connaissent de près leurs agresseurs. Ils et elles sont parents, frères, sœurs, cousins, oncles, tantes et ami(e)s.

    Lawrence Ellerby, un psychologue médicolégal de l’Association for the Treatment of Sexual Abusers qui œuvre surtout en matière de prévention d’abus sexuel, y était aujourd’hui pour signaler son désaccord à l’égard des peines minimales obligatoires (PMO). « Si on veut que nos collectivités soient plus sécuritaires […] il n’y a aucune preuve démontrant que les PMOs fonctionnent en ce sens, » disait-t-il au comité.

    De façon générale, expliquait M. Ellerby, les recherches de provenance des États-Unisdémontrent que lorsque l’on impose de plus longues peines et un « environnement législatif » contribuant à la caractérisation de ce genre de criminels comme étant des monstres, cela a de nombreux effets pervers dont il faudrait réfléchir ici au Canada.

    Par exemple, il a été démontré que la population générale aura moins tendance à reconnaître les signes d’abus et que, par conséquent, les individus touchés par l’abus seront moins portés à déclarer ces cas à la police. En d’autres termes, parce que la majorité des agresseurs sont des ami(e)s ou membres de la famille, les victimes (ou autres membres de la famille) n’ont pas tendance à percevoir leurs agresseurs en tant que monstres ou bien elles hésiteront davantage à signaler les cas d’abus afin d’éviter l’humiliation publique que pourrait subir toute la famille.

    Sheldon Kennedy, un ancien joueur de la LNH qui a été victime d’abus sexuel aux mains d’un entraîneur d’hockey, est paru au comité aujourd’hui pour exprimer, lui, son appui du projet de loi C-10. Toutefois, il a également souligné le besoin d’une campagne d’éducation au sein de la population générale : « Demande à une poignée de Canadiens quelle est la définition d’harcèlement, d’abus et quels sont les signes d’abus et je vous parie que la plupart donneront de mauvaises réponses. »

    CP
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    D’où l’importance d’une approche davantage équilibrée, qui mettrait l’accent à la fois sur l’éducation et la prévention ainsi que sur le traitement de délinquants sexuels et la réduction du récidivisme.

    Karl Hanson, agent principal de recherche à Sécurité publique Canada, y était aujourd’hui pour partager les résultats de ses recherches démontrant, entre autre, que le traitement contribue à une réduction importante du taux de récidivisme chez les délinquants sexuels.

    Que ce soient les crimes d’ordre sexuel ou les crimes liés aux drogues, ce qui semble clair c’est que plusieurs Canadiens comprennent qu’il s’agit de réalités complexes qui devraient faire l’objet de véritables débats de société. Malheureusement, le C-10 demeure, à l’heure actuelle, un projet de loi bien trop politisé pour y contribuer.

  • Bill C10: Weighing emotions & evidence in sexual offenses

    Bill C10: Weighing emotions & evidence in sexual offenses

    Over sixteen witnesses appeared before the Senate Committee during another marathon session of testimony on Bill C-10. Today’s session dealt primarily with the fight against child abuse and the spread of child pornography. Witnesses represented advocacy groups, victims of sexual abuse, and experts on sexual offenders.

    Many witnesses put forth a position that mandatory minimum sentences provide adequate deterrence for sexual predators and give more leverage to police during questioning. Senators Runciman and Lang voiced their opinion that Canadian judges give sentences to convicted predators that are too low and that judges across the country gave “inconsistent sentences” . The witnesses who were victims of sexual abuse were unanimous in their feelings that they had not received justice and that their perpetrators deserved harsher sentences.

    Yet incarceration was not the only topic that the committee discussed. Senator Jaffer and Paul Gillespie, a former policeman now with Kids Internet Safety Alliance, noted that incarceration should be one step in a comprehensive strategy to fight abuse.

    All witnesses agreed that funding for prevention strategies and treatment services needed to be increased.

    Senator Fraser read a submission by a Rupert Ross, a former crown prosecutor, who found conditional sentences a very useful tool in encouraging offenders to cooperate and possibly report other abusers. He implored the committee not to legislate mandatory minimums, as he feared it would cause less cooperation and more acquittals. This directly contradicted earlier testimony from Mr. Gillespie, who stated that Crown Prosecutors are demanding mandatory minimums to help them push for tougher sentences.

    Dr. Ellerby from the Association for Treatment of Sexual Abusers added further dimensions to the debate. Ellerby voiced opposition to the notion that abusers cannot be cured and stated that treatments have proven to work in rehabilitating offenders. He went on to argue that a range of approaches can be successfully used in fighting sexual abuse including community monitoring and engagement.

    With many offenders victims of abuse themselves, having an incarceration only approach for sexual abusers is fraught with contradictions.

    A number of witnesses referenced the need for a comprehensive strategy incorporating prevention, incarceration, mental health treatment and rehabilitation. Yet government-side questioning and discussion of the Bill continued on the assumption that tougher sentences were the only strategy to deal with sexual abusers, with little research to prove this.

    Dr. Ellerby flatly stated that if the goal is the reduction of crime and recidivism mandatory minimums will not succeed.This statement seemed to fall on deaf ears.

    Despite evidence that seemed to downplay the requests of many victims of sexual abuse for tough sentences, the unanimity of their request cannot be ignored. There is real debate to be had here, one that will involve weighing emotions and evidence to create a comprehensive sexual abuse strategy for both victims and offenders. All witnesses seemed very willing to have this discussion. But with the growing combative attitude between the federal government and voices that oppose it, it’s unlikely that Ottawa will be sanctioning such a discussion anytime soon.

  • Le C-10 mettra fin à la justice réparatrice pour les autochtones

    Le C-10 mettra fin à la justice réparatrice pour les autochtones

    Voici quelques faits saillants : les autochtones au Canada constituent 25% de la population carcérale au pays en dépit du fait qu’ils ne représentent que 4% de la population. Dans les provinces de l’Ouest, ce taux atteint entre 60% et 80% de la population carcérale.

    Lorsqu’accusés de crimes, les autochtones sont moins susceptibles d’obtenir une libération conditionnelle, moins susceptibles de disposer d’un avocat et 2 fois plus susceptibles de recevoir un jugement de culpabilité que le sont les accusés non-autochtones.

    Pourtant, à entendre certains membres conservateurs du Comité sénatorial sur les Affaires juridiques et constitutionnelles, malgré ces statistiques, la justice est trop molle quand il est question de délinquants autochtones.

    Le ministre Toews l’avait d’ailleurs bien dit, lors de son témoignage au comité il y a deux semaines : « ce qui m’intéresse davantage que les statistiques, c’est le danger ».

    Certes moins sexy que ce type de déclaration à la Batman, les problèmes systémiques auxquels font face les autochtones en matière de justice pénale au Canada sont fort bien documentés. Tel que l’affirmait ce matin Roger Jones, stratège principal de l’Assemblée des Premières Nations : « on a apporté des solutions de rechange pendant des décennies, mais on les ignorait tout court et rien ne changeait ».

    Jusqu’à ce que survienne, en 1999, la décision Gladue. La décision Gladue constitue l’un des fondements de la justice réparatrice au Canada. Elle ordonne aux tribunaux de tenir compte de la culture autochtone et des effets de la colonisation lors de la détermination des peines pour les contrevenants autochtones. Gladue a également ouvert la voie à la création de solutions de rechange à l’incarcération, y compris la pratique des cercles de détermination de peines et des programmes alternatifs dans les collectivités autochtones.

    De nombreux organismes autochtones, la Société John Howard, et même le ministre Nicholsons’entendent pour dire que ces programmes ont eu un impact positif indéniable et ont engendré une baisse du taux de récidivisme chez les participants.

    Justice réparatrice
    Justice réparatrice

    Mais voilà que tout le progrès réalisé par les dispositifs Gladue est en jeu.

    « C’est vraiment très simple. Le C-10 détruira la décision Gladue » en obligeant aux juges d’imposer des peines minimales obligatoires dans de nombreux cas, enparticulier les crimes reliés à la drogue.

    Les effets des pensionnats et autres séquelles découlant du colonialisme, dont les adoptions forcées, sont des facteurs importants touchants les collectivités autochtones, nous le rappelait Shawn A-in-chut Atleo, chef national de l’Assemblée des Premières Nations. Dans bien des cas, estime-t-il, une approche davantage axée sur la santé, la thérapie ou la guérison est une meilleure solution de rechange à l’incarcération tout court. « Je viens d’un petit village et quand on parle du haut taux d’incarcération, il s’agit de nos amis et des membres de notre famille, de notre communauté. Donc il s’agit d’une question personnelle pour nous. »

    Espérons que ce message ne tombera pas dans les oreilles de sourds.

  • Bill C10: Implications for Aboriginal Communities

    Bill C10: Implications for Aboriginal Communities

    During a 7-hour long meeting today, the Senate Committee heard from 13 individuals speaking to various aspects of Bill C-10. While most of the witnesses addressed the Bill’s immigration-related aspects, the Assembly of First Nations (AFN) National Chief Shawn A-in-chut Atleo and AFN senior strategist,Roger Jones talked about the negative impact the Omnibus Bill will have on Aboriginal Peoples.

    Atleo spoke via video conference from his community on the west coast of the Vancouver Island. He made it clear that the AFN is very concerned about the direction Bill C-10 is headed in and that this legislation will not make Aboriginal communities safer. Unfortunately his testimony was cut short due to technical problems, so Jones fielded the Senators’ questions.

    Jones told the Committee that the AFN searched high and low for elements within Bill C-10 that would improve the situation for Aboriginal Peoples – and couldn’t find anything.

    He said the Omnibus Bill will compound the existing over-representation of Aboriginal people in the criminal justice system, such as through Mandatory Minimum Sentences (MMS) for drug offences and the removal of judicial discretion with regard to such things as the Gladue principles.

    References to the Gladue decision were frequent throughout AFN panel discussion. Gladue principles, based on a 1999 Supreme Court interpretation of Section 718.2 of the Criminal Code, provide that reasonable alternatives to imprisonment should be sought and particular attention should be given to the circumstances of Aboriginal offenders.

    Senator Mobina Jaffer suggested that the Senate could recommend an exemption clause in Bill C-10 so as to preserve Gladue principles.

    Senator Fraser questioned how often these principles are applied. (Not often enough, Jones replied.) Senator Lang challenged Jones as to why MMS for such reprehensible crimes as child sexual exploitation should have exceptions for Aboriginal offenders. Jones replied that nature of the crime should never negate the need to look at the offender’s circumstances.

    In contrast to the AFN’s detailed concerns with the Omnibus Bill, University of British Colombia Law Professor, Benjamin Perrin, noted his strong support of “all” aspects of the bill, suggesting it balances criminal law by enhancing the accountability of offenders and increasing the rights of victims.

    He argued that more people charged with cultivating marijuana should be imprisoned and that 89% of marijuana production comes from organized crime groups and the majority of what is produced is destined for the United States, fueling serious border problems. This argument relies on the assumptions of supply suppression and drug probation which have actually made drugs more available and cheaper, and have undermined the public health system.

    Indeed, all criminal justice legislation relies on certain assumptions – such as incarceration as a tool of deterrence and segregation as punishment – but as the AFN repeatedly pointed out today, these assumptions and their outcomes have resulted in a sustained failure to address the systemic roots of crime or how the justice system continues to fail First Nations Peoples.

  • Drogues : Question de traitement et de demande

    Drogues : Question de traitement et de demande

    Le 5e jour d’étude sur le projet de loi C-10 au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a aujourd’hui abordé de près la question de la consommation de substances et du trafic de drogues illicites.

    Ce qui fut marquant, c’est que la majorité des témoins s’est exprimée en faveur d’une approche davantage axée sur le traitement des toxicomanes que sur leurcriminalisation.

    Une approche axée sur le traitement

    Le Surintendant Eric Slinn, directeur de la sous-direction des drogues de la GRC et Barry MacKnight de l’Association canadienne de chefs de police étaient d’accord pour dire que les mesures répressives telles qu’élaborées dans le C-10 ne sont pas suffisantes pour lutter contre les crimes liés aux drogues. Selon MacKnight, « le C-10 n’est pas une panacée; il faut une approche équilibrée et globale. L’élément traitement est essentiel ».

    MacKnight citait également les approches de santé et de réduction des méfaits, tel que le projet Insite, en tant qu’approches potentiellement complémentaires aux programmes de traitement et dont il faudrait davantage discuter.

    Rebecca Jesseman du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomaniess’exprimait elle aussi en faveur d’une meilleure allocation des ressources envers les traitements pour les utilisateurs de drogues. Jesseman, cependant, soulevait plusieurs préoccupations quant à l’efficacité et aux résultats des programmes judiciaires de traitement des toxicomanes présentement en vigueur dans plusieurs communautés au Canada. (Programmes servants, entre autres, d’échappatoire aux peines minimales obligatoires, un sujet dont j’ai déjà discuté en détail ici.)

    Elle nous rappelait, qu’outre le fait que la plupart des gens ayant des démêlés judiciaires n’auront pas accès à de tels programmes—femmes et autochtones tout particulièrement—les « résultats de ces programmes sont d’ailleurs très variables et ne sont pas basés sur des faits probants ».

    Une demande qui perdure

    Par contre, c’est le sénateur Joyal, en lisant à voix haute une lettre signée par quatre anciens procureurs généraux de la Colombie-Britannique réclamant la légalisation du cannabis, qui a su poser la question la plus poussée de la rencontre :

    Marijuana
    Marijuana

    « La lutte contre la drogue s’est avérée inefficace jusque lors, alors ne faudrait-il pas peut-être considérer que s’il y a des drogues, c’est parce qu’il y a une demande »?

    Certes, la Coalition canadienne des politiques sur les drogues aurait pu en dire long sur cette question. Pourtant, Donald MacPherson, le directeur de la CCPD s’est fait refuser une audience auprès du comité et n’y paraitra donc pas.

    Toutefois, une réponse partielle à cette question est survenue plus tard en soirée lorsque Heather Clark, la collègue de Mme Jesseman, offrait la précision suivante : « Les recherches démontrent que si on limite la disponibilité d’une substance, les utilisateurs de drogues auront recours à d’autres substances ».

  • Sécurité publique et fondements de la loi

    Sécurité publique et fondements de la loi

    Aujourd’hui le comité du Sénat qui étudie le projet de loi C-10 s’est axé sur les modifications apportées par ce projet aux demandes de transfèrement des délinquants Canadiens condamnés à l’étranger. Les échanges entre témoins et sénateurs ont dressé un portrait particulièrement saisissant de la critique de cette partie 3 du projet de loi.

    Tel que le disait ce matin l’avocat John Conroy, en somme, « il semble y avoir un mal entendu profond de la part du gouvernement quant aux objectifs fondamentaux de la loi au Canada. »

    Ce qui est en question c’est une augmentation du pouvoir discrétionnaire du ministre de refuser les demandes de transfèrements de délinquants Canadiens à l’étranger sans avoir à donner de justifications claires. Comme le remarquait Nathalie Des Rosiers, avocate générale de l’Association canadienne des libertés civiles, le libellé actuel du projet de loi, « selon le point de vue du ministre », constitue un choix de mot qui n’est pas digne de la loi. Selon l’article 1 de la Charte, de telles décisions doivent être faites “tel que prescrites par la loi” et non tel qu’issues d’opinions particulières, ajoutait-elle.

    Certes, l’intention du gouvernement dans cette partie du projet de loi serait d’accroître l’importance accordée à la sécurité publique dans les décisions d’attribution ou de non attribution de ces transfèrements. Toutefois, le problème soulevé par cette intention, disait Fannie Lafontaine, professeure de droit à l’Université Laval, c’est que cela fait fi des fondements mêmes de la loi canadienne. En d’autres mots, les fondements de la loi canadienne sont clairs en cette matière : l’objectif de la sécurité publique est mieux servi par le rapatriement d’un Canadien condamné à l’étranger.

    Qu’un délinquant Canadien soit rapatrié ou non, il doit rentrer au Canada, par moyen de déportation, suite à avoir purgé sa peine complète.

    CP
    CP

    Alors la question n’est pas à savoir si nous souhaitons réinsérer le délinquant au sein de la population générale, mais bien comment nous voulons que ça se fasse.

    Souhaitons-nous que le délinquant complète sa peine au Canada, où nous disposons de tout un système de contrôle correctionnel afin d’évaluer le risque de récidive chez le délinquant, des mesures de surveillance en place pour assurer des suivis, ainsi que des programmes de réhabilitation et de réinsertion spécialisés? Ou bien souhaitons-nous qu’il purge sa peine complète et rentre au Canada, sans évaluation de risque de récidive, sans suivi, sans surveillance et même sans dossier criminel canadien?

    Pour M. Conroy, le choix est tout à fait simple : les services correctionnels sont mieux placés que le ministre pour évaluer le risque de récidive des délinquants.

    « C’est comme si le ministre n’a pas foi dans son propre ministère », concluait-t-il.