Voici quelques faits saillants : les autochtones au Canada constituent 25% de la population carcérale au pays en dépit du fait qu’ils ne représentent que 4% de la population. Dans les provinces de l’Ouest, ce taux atteint entre 60% et 80% de la population carcérale.
Lorsqu’accusés de crimes, les autochtones sont moins susceptibles d’obtenir une libération conditionnelle, moins susceptibles de disposer d’un avocat et 2 fois plus susceptibles de recevoir un jugement de culpabilité que le sont les accusés non-autochtones.
Pourtant, à entendre certains membres conservateurs du Comité sénatorial sur les Affaires juridiques et constitutionnelles, malgré ces statistiques, la justice est trop molle quand il est question de délinquants autochtones.
Le ministre Toews l’avait d’ailleurs bien dit, lors de son témoignage au comité il y a deux semaines : « ce qui m’intéresse davantage que les statistiques, c’est le danger ».
Certes moins sexy que ce type de déclaration à la Batman, les problèmes systémiques auxquels font face les autochtones en matière de justice pénale au Canada sont fort bien documentés. Tel que l’affirmait ce matin Roger Jones, stratège principal de l’Assemblée des Premières Nations : « on a apporté des solutions de rechange pendant des décennies, mais on les ignorait tout court et rien ne changeait ».
Jusqu’à ce que survienne, en 1999, la décision Gladue. La décision Gladue constitue l’un des fondements de la justice réparatrice au Canada. Elle ordonne aux tribunaux de tenir compte de la culture autochtone et des effets de la colonisation lors de la détermination des peines pour les contrevenants autochtones. Gladue a également ouvert la voie à la création de solutions de rechange à l’incarcération, y compris la pratique des cercles de détermination de peines et des programmes alternatifs dans les collectivités autochtones.
De nombreux organismes autochtones, la Société John Howard, et même le ministre Nicholsons’entendent pour dire que ces programmes ont eu un impact positif indéniable et ont engendré une baisse du taux de récidivisme chez les participants.
Mais voilà que tout le progrès réalisé par les dispositifs Gladue est en jeu.
« C’est vraiment très simple. Le C-10 détruira la décision Gladue » en obligeant aux juges d’imposer des peines minimales obligatoires dans de nombreux cas, enparticulier les crimes reliés à la drogue.
Les effets des pensionnats et autres séquelles découlant du colonialisme, dont les adoptions forcées, sont des facteurs importants touchants les collectivités autochtones, nous le rappelait Shawn A-in-chut Atleo, chef national de l’Assemblée des Premières Nations. Dans bien des cas, estime-t-il, une approche davantage axée sur la santé, la thérapie ou la guérison est une meilleure solution de rechange à l’incarcération tout court. « Je viens d’un petit village et quand on parle du haut taux d’incarcération, il s’agit de nos amis et des membres de notre famille, de notre communauté. Donc il s’agit d’une question personnelle pour nous. »
Espérons que ce message ne tombera pas dans les oreilles de sourds.