Sécurité publique et fondements de la loi

Aujourd’hui le comité du Sénat qui étudie le projet de loi C-10 s’est axé sur les modifications apportées par ce projet aux demandes de transfèrement des délinquants Canadiens condamnés à l’étranger. Les échanges entre témoins et sénateurs ont dressé un portrait particulièrement saisissant de la critique de cette partie 3 du projet de loi.

Tel que le disait ce matin l’avocat John Conroy, en somme, « il semble y avoir un mal entendu profond de la part du gouvernement quant aux objectifs fondamentaux de la loi au Canada. »

Ce qui est en question c’est une augmentation du pouvoir discrétionnaire du ministre de refuser les demandes de transfèrements de délinquants Canadiens à l’étranger sans avoir à donner de justifications claires. Comme le remarquait Nathalie Des Rosiers, avocate générale de l’Association canadienne des libertés civiles, le libellé actuel du projet de loi, « selon le point de vue du ministre », constitue un choix de mot qui n’est pas digne de la loi. Selon l’article 1 de la Charte, de telles décisions doivent être faites “tel que prescrites par la loi” et non tel qu’issues d’opinions particulières, ajoutait-elle.

Certes, l’intention du gouvernement dans cette partie du projet de loi serait d’accroître l’importance accordée à la sécurité publique dans les décisions d’attribution ou de non attribution de ces transfèrements. Toutefois, le problème soulevé par cette intention, disait Fannie Lafontaine, professeure de droit à l’Université Laval, c’est que cela fait fi des fondements mêmes de la loi canadienne. En d’autres mots, les fondements de la loi canadienne sont clairs en cette matière : l’objectif de la sécurité publique est mieux servi par le rapatriement d’un Canadien condamné à l’étranger.

Qu’un délinquant Canadien soit rapatrié ou non, il doit rentrer au Canada, par moyen de déportation, suite à avoir purgé sa peine complète.

CP
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Alors la question n’est pas à savoir si nous souhaitons réinsérer le délinquant au sein de la population générale, mais bien comment nous voulons que ça se fasse.

Souhaitons-nous que le délinquant complète sa peine au Canada, où nous disposons de tout un système de contrôle correctionnel afin d’évaluer le risque de récidive chez le délinquant, des mesures de surveillance en place pour assurer des suivis, ainsi que des programmes de réhabilitation et de réinsertion spécialisés? Ou bien souhaitons-nous qu’il purge sa peine complète et rentre au Canada, sans évaluation de risque de récidive, sans suivi, sans surveillance et même sans dossier criminel canadien?

Pour M. Conroy, le choix est tout à fait simple : les services correctionnels sont mieux placés que le ministre pour évaluer le risque de récidive des délinquants.

« C’est comme si le ministre n’a pas foi dans son propre ministère », concluait-t-il.

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