L’échange de seringues en prison – une question de droits de la personne

Les gens ne renoncent pas à leurs droits de la personne lorsqu’ils entrent en prison. Ils comptent plutôt sur le système de justice pénale pour les respecter, y compris leur droit à la santé. La santé carcérale est la santé publique.

Ces énoncés peuvent sembler évidents pour certains, mais le droit à des services de santé adéquats est à la base d’une nouvelle poursuite intentée contre le gouvernement fédéral du Canada. Les programmes d’échange de seringues sont un élément essentiel d’une stratégie globale de prévention de la propagation des maladies infectieuses, mais le service correctionnel fédéral ne permet pas ce service de santé de survie dans les prisons fédérales canadiennes. Pour contester cette politique, le Réseau juridique canadien, Prisoners with HIV/AIDS Support Action Network (PASAN), CATIE, le Réseau canadien autochtone du sida (RCAS) et Steven Simons, un ex-détenu fédéral, ont intenté une poursuite contre le gouvernement du Canada aujourd’hui, au motif de son défaut de protéger la santé des personnes incarcérées par son refus permanent de mettre en œuvre des programmes de seringues et d’aiguilles stériles.

L’utilisation de drogues en prison est une réalité. Un sondage de 2007 mené par le Service correctionnel du Canada (SCC) a révélé que 17 % des hommes et 14 % des femmes s’étaient injecté des drogues tandis qu’ils étaient en prison. Des prisonniers ne sont pas disposés à prendre part au traitement, le traitement peut ne pas être disponible ou approprié. Malgré le fait que l’utilisation et la possession de drogues sont illégales en prison, et malgré les efforts des systèmes correctionnels pour empêcher les drogues d’entrer en prison, celles-ci demeurent largement disponibles. En fait, aucun système correctionnel dans le monde n’a été capable de maintenir les drogues complètement à l’extérieur des murs. Le partage des seringues est une façon très efficace de partager les maladies transmissibles par le sang. Les personnes incarcérées ont des taux de VIH et d’hépatite C qui sont au moins de 10 et 30 fois plus élevés que ceux de la population dans son ensemble, et une grande partie de ces infections se produit parce que les détenus n’ont pas accès à du matériel d’injection stérile.

Cette poursuite remet en question la croyance selon laquelle les gens révoquent leurs droits quand ils entrent en prison. En fait, les prisonniers conservent les mêmes droits de la personne dont jouissent les personnes en communauté, sauf ceux qui sont évidemment restreints par l’incarcération. Cela comprend le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, un droit enchâssé dans plusieurs Traités et conventions de l’ONU. Ce droit englobe des mesures comme l’échange de seringues qui a fait maintes fois ses preuves comme moyen de prévenir la transmission des maladies.

Il y a également de bonnes raisons de croire que les services d’échange de seringues en prison sont bénéfiques pour nous tous. Ces services sont offerts dans bien des parties du monde et on a constaté, par des évaluations, qu’ils réduisent le partage de seringues, qu’ils n’entraînent pas une utilisation ou injection accrue de drogues, qu’ils contribuent à réduire les surdoses, qu’ils facilitent les renvois des utilisateurs à des programmes de traitement de la toxicomanie, et qu’ils n’ont pas donné lieu à l’utilisation d’aiguilles ou de seringues comme armes contre le personnel. Lorsque ces services ont été instaurés dans les prisons suisses, les employés étaient réticents au départ, mais parce que l’échange de seringues réduisait la probabilité des blessures par piqûres d’aiguilles, ils se sont rendu compte que la distribution de matériel d’injection stérile était dans leur propre intérêt, et ils se sentaient plus en sécurité qu’avant que la distribution commence.

La vaste majorité des détenus retournent éventuellement dans la communauté, donc les maladies qui sont acquises en prison ne restent pas nécessairement en prison, ce qui signifie que lorsque nous protégeons la santé des détenus, nous protégeons la santé de chaque membre de la communauté. Les prisonniers font partie de notre vie aussi, ce sont des mères, des pères, des frères, des sœurs, des amis et des êtres chers. Vous ne pensez peut-être pas connaître un prisonnier, mais les chances sont que vous en connaîtrez, et vous vous soucierez de sa santé et de son bien-être.

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