Les 5 et 6 septembre, j’ai eu l’occasion de participer à un dialogue public portant sur les politiques en matière de drogues à Bogota, en Colombie, une initiative du maire Gustavo Petro Urrego : Conversatorio 2012 sobre : « Nouvelles solutions d’interventions dans la consommation de drogues et de substances psychoactives. »
Ce fut une rencontre étonnante, qui m’a beaucoup rappelé le temps où j’étais à la Ville de Vancouver, où j’ai eu l’occasion de travailler avec le maire de l’époque, Philip Owen en 2001, quand il a lancé la stratégie des quatre piliers de la Ville de Vancouver par une série de dialogues publics permettant aux gens rassemblés d’échanger leurs opinions sur sa proposition visant à s’attaquer aux problèmes de drogue de Vancouver.
Dans le magnifique auditorium de l’hôtel de ville de Bogota, toute la journée, nous avons écouté des experts internationaux, des universitaires, des représentants de la santé publique, et lemaire lui-même, et tous ont parlé de solutions éventuelles au sérieux problème de drogue de Bogota.
Une grande différence entre le processus de Vancouver et celui qui s’est déroulé à Bogota est la rapidité avec laquelle le changement se produit en Colombie. Le maire Gustavo Petro Urrego a décidé que sa belle ville dans les montagnes a besoin d’idées neuves et de bouger rapidement pour mettre en œuvre les nouvelles approches aux problèmes de drogue de Bogota. Le maire Petro parle de créer une nouvelle démocratie où les gens aux prises avec des problèmes de toxicomanie sont inclus dans la société et ont de nouveau droit de parole, pour ainsi dire.
Fin juillet, cette année, la Colombie a adopté une loi nationale décrétant que la toxicomanie est une question de santé publique et que « toute personne souffrant de troubles mentaux ou de toute autre pathologie induite par la consommation, l’abus, et la dépendance à des substances psychoactives légales ou illicites a le droit de recevoir des soins complets des Entités, notamment le Système général de sécurité sociale en santé et les institutions privées ou publiques spécialisées dans le traitement desdits troubles ».
Cette nouvelle loi est un développement important qui fait en sorte que les réponses du gouvernement aux problèmes de drogue de la Colombie soient désormais axées sur une approche de santé et s’éloignent de la réponse traditionnelle par le système de justice pénale. Évidemment, trouver les finances pour créer un système complet est un défi majeur pour la Colombie, tout comme ce l’est ici au Canada.
L’une des innovations que le maire Petro s’empresse de mettre en œuvre est la création d’une série de salles de consommation de drogue, dans trois secteurs de la ville. Les salles de consommation sont offertes un peu partout en Europe, dans le cadre d’une approche globale des personnes marginalisées qui utilisent des drogues. Un ensemble de données probantescroissant soutient que ces types de programmes sont un élément important d’une approche globale. Pour le maire Petro, cela démontrerait que Bogota commence à changer sa politique et à s’efforcer d’offrir de l’aide aux utilisateurs de drogues d’une nouvelle manière.
Pendant 30 ans, les autorités de Bogota ont tenté de régler les problèmes de drogue du centre-ville sans grand succès. En 2000, ils ont même essayé des mesures draconiennes, comme de niveler le principal quartier où se concentrait le milieu de la drogue, « El Cartucho », pour créer un nouveau parc dans l’espoir que le problème disparaisse. Malheureusement, et c’était à prévoir, les drogues sont réapparues ailleurs, mais cette fois, dans quatre secteurs différents de la ville. Au lieu d’un quartier « à problèmes », ils en avaient maintenant quatre! Ces nouveaux secteurs de la ville, El Bronx, une section de Maria Paz en Kennedy, San Bernardo et Las Cruces, sont les quatre principales zones problématiques de Bogota qui échappent en grande partie au contrôle des autorités municipales.
El Bronx est le quartier le plus notoire et a été abandonné par les autorités. Il est contrôlé par le crime organisé et abrite des milliers de toxicomanes invétérés. El Bronx est un endroit où il est extrêmement dangereux de s’aventurer si vous ne faites pas partie du milieu de la drogue d’une façon quelconque, comme utilisateur ou revendeur. Lorsque j’y étais, un policier a été tué dans El Bronx pendant qu’il enquêtait sur un incident. Les employés de la ville ont exprimé très clairement qu’ils ne voulaient pas simplement déplacer de nouveau le problème mais qu’ils souhaitaient commencer à stabiliser la situation dans ces quartiers.
La création de salles de consommation fait partie de la stratégie du maire visant à changer la culture de ces quartiers plutôt que de les abandonner et de céder à la « mafia des drogues » locale. Il revendique l’adoption d’une approche de santé et sociale, laquelle pourrait instaurer des services de réduction des méfaits et de traitement, et offrir des options aux personnes pour quitter le milieu de la drogue. La principale drogue qui est utilisée dans la rue à Bogota est une substance appelée basuco ou pâte de coca ou paco. C’est un produit très peu dispendieux dérivé des phases intermédiaires de la production de cocaïne.
La semaine dernière, le maire Petro a rencontré le président Manuel Santos pour discuter de ses idées de mise en œuvre des salles de consommation. Les rapports préliminaires suggèrent que la porte est ouverte à la proposition du maire de prescrire des drogues illicites aux utilisateurs dans le cadre d’un régime de traitement. Cela constituerait un moyen d’intervenir dans le marché des drogues et de s’interposer entre les personnes toxicomanes et la mafia des drogues. C’est une approche audacieuse et nous suivrons les développements à Bogota dans les mois à venir.