Le troisième jour d’étude en comité sénatorial du projet de loi C-10 a reçu en témoignage aujourd’hui 5 associations d’avocats, dont l’Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec. Les peines minimales obligatoires et la perte du pouvoir discrétionnaire des juges, l’impact disproportionné sur les autochtones et les jeunes, l’engorgement du système qu’engendrera le projet de loi ainsi que le coût de sa mise en œuvre figuraient parmi les inquiétudes les plus probantes soulevées par les témoins.
Toutefois, le thème majeur de la soirée était la demande d’inclure au sein du projet de loi une soupape de sécurité afin de permettre aux juges de considérer les problèmes de santé mentale dans la détermination des peines. Comme le mentionnait William Trudell, président du Conseil canadien des avocats de la défense, « le système de justice pénal n’est pas un système de santé ».
Selon Daniel A. MacRury de l’Association du barreau canadien, au Canada, les policiers sont de plus en plus surnommés les « psychiatres en uniformes bleus » et ce, pour de bonne raison.
Selon M. Trudell, 30% des détenus fédéraux actuels souffrent de troubles mentaux, mais ce chiffre monte jusqu’à 40% avant procès.
L’introduction des peines minimales obligatoires et la perte conséquente du pouvoir discrétionnaire des juges feront considérablement augmenter ce chiffre. C’est d’ailleurs pourquoi le syndicat national des agents correctionnels dénonçait le projet de loi il y a quelques semaines.
Selon M. MacRury, énormément de contrevenants sont des gens sans abris ou toxicomanes, ou bien atteints du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) et de la schizophrénie. « Le système correctionnel n’est pas le meilleur environnement pour offrir des services de santé mentale » a ajouté M. Trudell. Celui-ci donnait l’exemple d’un cas d’un ex-soldat atteint du trouble de stress post-traumatique : la mise en œuvre du C-10 voudrait dire qu’un juge ne pourrait plus prendre en compte de telles circonstances lors de la détermination de la peine.
Nicole Dufour, représentante du Barreau du Québec, soulignait que le C-10, en se basant sur des « anecdotes ponctuelles » pour se justifier, somme toute « nuit à notre capacité de déterminer les besoins réels du système ». Cela soulève une question importante : quand il est question du « problème de drogue », dont on a beaucoup parlé la semaine dernière au comité sénatorial, et autres justifications amenées à la défense de ce projet de loi, le problème se situe-t-il réellement dans les substances mêmes, ou est-ce plutôt l’usage et l’effet de ces drogues qui sont directement liés à des problèmes plus profonds dans notre société? À des enjeux comme la pauvreté, la violence, les pressions économiques et financières, la souffrance physique, et n’oublions pas, la maladie mentale ?