Plusieurs villes canadiennes envisagent la mise en œuvre de services de consommation plus sûrs au sein de leurs communautés.
Voilà la conclusion à laquelle sont venus plusieurs intervenants participant à un événement animé sur la faisabilité de la mise à l’échelle des services de consommation supervisée au Canada, dans le cadre de la récente conférence de l’Association canadienne des soins en sidologie (CAHR) tenue à Vancouver. Parrainé par le Dr Peter Centre, le Réseau juridique canadien VIH/sida et la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, cet atelier d’une demi-journée a rassemblé des orateurs d’Ottawa, de Montréal, de Toronto et de Vancouver, en vue de discuter de leurs plans pour la mise à niveau de ces services à-travers le pays.
Le plus célèbre de ces services est Insite, basé à Vancouver, en Colombie-Britannique. Un grand nombre de preuves provenant d’études effectuées sur Insite suggère que ce service unique comporte plusieurs résultats bénéfiques : il est utilisé par la population qu’il vise à servir, qui inclut plus de 10 000 clients. Et il est utilisé par des gens susceptibles de s’injecter des drogues en public de façon routinière. Ce service a également réduit les comportements à risque en réduisant le partage des aiguilles et en fournissant une éducation sur les pratiques d’injection plus sûres. Insite a favorisé l’inscription à des programmes de traitement pour la toxicomanie et a amélioré l’ordre public. On a également constaté une réduction marquée des décès par surdose, une sûreté accrue pour les femmes qui s’injectent des drogues, et que ce service ne mène pas à une utilisation accrue des drogues ou à une augmentation de la criminalité.[I]
Mais l’opposition publique et les craintes politiques entravent toujours la mise à l’échelle de ces services. En dépit des avantages bien documentés, les opposants affirment toujours que ces services « favorisent » la consommation de drogues illicites. Ces déclarations s’appuient sur la prémisse erronée que la faute de fournir des services de santé aux gens qui consomment des drogues suffit à dissuader les gens de consommer des drogues. Tout ceci ne contribue qu’à éloigner les gens des soins de santé et à promouvoir des pratiques d’injection moins sûres pouvant mener à des blessures, à des infections et à la mort. Ces opposants ne comprennent pas que ces services favorisent l’engagement envers les soins de santé des populations difficiles à atteindre et protègent la dignité des personnes qui consomment des drogues en donnant priorité à leurs préoccupations de santé.
L’opposition officielle du gouvernement fédéral a bloqué la mise en oeuvre de ces services salutaires, même en Colombie-Britannique. En 2007, le gouvernement fédéral a refusé de maintenir l’exonération légale accordée à Insite (Section 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (CDSA)). Les partisans du site, y compris la PHS Community Services Society, VANDU, et la Vancouver Coastal Health, ont contesté ce refus jusqu’à la Cour suprême du Canada. En 2011, la Cour a statué en faveur de l’exonération, notant le droit des personnes à accéder à ce service de santé, et a ordonné au ministre fédéral de la santé d’accorder le maintien de l’exonération. Les sites futurs devront faire une demande d’exonération en vertu de la Section 56, afin d’éviter toute accusation criminelle pour violation de la CDSA.
Il semble que le processus d’application pour demande de dérogation à la Section 56 sera onéreux. En raison de ces difficultés, certains intervenants à la Conférence de l’ACRV ont exhorté le public à envisager d’autres options, telles que des sites non autorisées moins dispendieux utilisant des modèles de soins administrés par des pairs.
Le besoin est clair – la volonté existe – les résultats sont connus. Exigeons du gouvernement fédéral qu’il facilite l’accès à ces services, afin que nous puissions sauver des vies, prévenir les maladies et protéger la dignité des personnes qui consomment des drogues.
