Les peuples autochtones du Canada seront les premiers à souffrir des peines minimales obligatoires imposées pour les crimes liés à la drogue

En début avril, le ministre provincial de la santé de la Colombie Britannique a publié un rapport annonçant que les changements récents apportés aux peines minimales et autres pratiques judiciaires, découlant de la mise en application de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (LSRC) , auront des effets très négatifs sur la santé des peuples autochtones – les changements apportés par la LSRC, tels que les peines minimales obligatoires, mèneront à l’incarcération d’un plus grand nombre d’autochtones.

Ce rapport note également que la LSRC semble contraire aux autres programmes fédéraux visant à réduire le temps d’incarcération, notamment avec la section 718.2 (e) du Code Criminel, qui exige que les juges prononçant les peines prennent en considération toutes les options autres que l’incarcération. [I]

L’imposition de peines minimales obligatoires va à l’encontre de la preuve de leur inefficacité. La condamnation des personnes accusées de crimes liés à la drogue ne réduit pas les problèmes liés à l’utilisation de drogues et ces condamnations ne découragent pas la criminalité. [II]

La surreprésentation des autochtones dans le système carcéral du pays fait la honte nationale, et et son inévitabilité rend celle-ci d’autant plus inquiétante. En 2011, environ 4% de la population canadienne était autochtone, alors que 21,5% de la population fédérale en milieu carcéral était autochtone. Depuis 2006-07, la population autochtone en milieu carcéral a connu une augmentation de 43% et le tiers des femmes sous responsabilité fédérale est autochtone. Dans les Prairies, les peuples autochtones représentent plus de 55 % de la population totale incarcérée au pénitencier de la Saskatchewan et 60 % de la population du pénitencier de Stony Mountain au Manitoba. Les taux provinciaux sont encore pire ; 81 % des personnes incarcérées dans les établissements provinciaux en Saskatchewan étaient des autochtones en 2005.[iii]

Comme le soutient le ministre provincial de la santé de la Colombie Britannique dans son rapport, les raisons de la surreprésentation des peuples autochtones en milieu carcéral sont multiples, mais elles sont enracinées dans les causes historiques, telles que le colonialisme, la perte de culture, et la marginalisation économique et sociale des autochtones par les citoyens canadiens de race blanche.

Ces préoccupations ont été reprises dans un rapport d’octobre 2012 publié par l’enquêteur correctionnel du Canada intitulé Une question de spiritualité : les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (ADRC, 1992).[iv]. Ce rapport témoigne du manque de volonté de la part du Service correctionnel du Canada (SCC) relativement au respect des engagements pris dans le cadre de l’ADRC. L’ADRC contient des dispositions spécifiques aux autochtones, visant à favoriser la participation des communautés autochtones au système correctionnel et à adresser le problème de surreprésentation chronique des autochtones au sein du système correctionnel fédéral. Parmi ces exigences figurent l’établissement de pavillons de ressourcement qui soulignant les croyances et traditions autochtones, et mettent l’emphase sur la préparation à la remise en liberté.[v]

Le rapport a constaté que, en Colombie-Britannique, en Ontario, au Canada Atlantique et du Nord, il n’existe aucun pavillon de ressourcement pour les femmes autochtones. En outre, du fait que l’accès aux pavillons de ressourcement est limité aux détenus à sécurité minimale, 90% des détenus autochtones ne seront pas pris en considération pour transfert vers des pavillons de ressourcement. Le rapport se termine par une critique de l’inaction du Service correctionnel du Canada: « Conformément aux expressions d’autodétermination autochtone, les Sections 81 et 84 capturent la promesse d’une nouvelle définition du rapport entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. Un contrôle sur plusieurs aspects de la planification de la remise en liberté pour les détenus autochtones, ainsi qu’un accès élargi à des services et à des programmes adaptés à la culture autochtone étaient à l’origine de la création de l’ASRC en novembre 1992.  » [vi]

Les implications des changements apportés par le gouvernement conservateur aux pratiques de détermination de la peine sont claires : une hausse du taux d’incarcération des autochtones et une augmentation des problèmes liés à la consommation de drogues, combinées à un manque d’engagement envers les voies de guérison alternatives, signifie qu’un nombre accru de contrevenants autochtones sous responsabilité fédérale et provinciale se retrouvera dans les prisons canadiennes, où ils ne recevront pas les services dont ils ont besoin.

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