Les tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT) sont souvent vantés comme étant la solution à un cycle de toxicomanie et de crime. Mais le sont-ils? Voilà la question à laquelle le Réseau juridique canadien VIH/sida a tenté de répondre dans une publication de 2011 qui examine les activités de six tribunaux de traitement de la toxicomanie du Canada, financés par le fédéral (Toronto, Edmonton, Vancouver, Winnipeg, Ottawa et Regina). Cette étude constitue aussi une introduction aux TTT pour les profanes. Le rapport ne rejette pas totalement les TTT, mais soulève de sérieuses questions sur leur mode de fonctionnement et leur efficacité.
Comme l’indique ce rapport, la notion selon laquelle la toxicomanie est le résultat d’une lacune morale a, dans certains secteurs, entraîné l’idée que c’est une maladie chronique qui peut répondre à un traitement médical. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie, comme l’énonce ce rapport, fonctionnement d’après une combinaison de ces hypothèses.
Les TTT étant promus comme moyen de réduire l’utilisation de drogues et de prévenir le crime, ils adoptent l’idée que le traitement peut atténuer la toxicomanie.
Mais ils ont également recours à des méthodes quasi-coercitives et punitives qui sont plus près du système de justice pénale. Les candidats à un programme de TTT doivent plaider coupables d’un crime et se soumettre à une analyse d’urine obligatoire. Le défaut d’adhérer au programme de traitement ordonné par le tribunal peut se traduire par une peine d’emprisonnement. Mais si la toxicomanie est une maladie chronique récurrente, comme le suggère l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, à quel point répond-elle à ces techniques quasi-coercitives utilisées dans les TTT? Pas beaucoup, selon les auteurs de ce rapport.
Ce rapport soulève aussi de sérieuses questions sur la méthodologie de la recherche sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Ses auteurs allèguent qu’étant donné l’absence d’étude de suivi sur les expériences des participants, et les faibles taux de maintien des participants dans de nombreux programmes de TTT, il est difficile de conclure, à ce stade, si les tribunaux de traitement de la toxicomanie entraînent ou non une diminution de l’utilisation de drogues et/ou du récidivisme. Plus inquiétant encore, ces auteurs ont observé que les femmes sont moins susceptibles de se porter candidates à un TTT, et moins susceptibles de graduer à des niveaux comparables à ceux des participants masculins, en partie à cause de l’absence de programmes sexospécifiques et de programmes souples qui conviendraient aux responsabilités parentales. Les femmes et les hommes autochtones sont également moins susceptibles de terminer des programmes de TTT en partie à cause de l’absence de services de traitement spécifiques pour les Autochtones.

Les auteurs du rapport se demandent dans quelle mesure l’inscription au traitement est volontaire lorsque la prison est l’autre possibilité et que l’accès aux autres traitements est limité. Comme le mentionne le rapport,
« compte tenu de la difficulté d’avoir accès à un traitement de la toxicomanie et à des services sociaux sans passer par le système des TTT, on peut douter du caractère volontaire de l’inscription aux TTT »
. Les auteurs indiquent également que le système des TTT peut potentiellement éroder certaines des garanties procédurales du système judiciaire traditionnel. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie peuvent aussi enfreindre les droits de la personne, plus précisément, le droit à la santé prévu à l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, parce qu’on peut refuser aux participants l’accès à un service de santé s’ils ne se plient pas aux règles du programme TTT.
Globalement, ce rapport demande si allouer des ressources limitées à un traitement de la toxicomanie presque forcé par l’intermédiaire du système de justice pénale, plutôt que d’élargir l’accès à un traitement volontaire de qualité est la meilleure façon d’aider les gens à restreindre leur utilisation de drogues et à prévenir le récidivisme.
Pour plus de détails, consultez : Jugement déficient : Évaluation de l’opportunité des tribunaux de traitement de la toxicomanie, en réponse à l’usage de drogue au Canada du Réseau juridique canadien VIH/sida. À l’adresse :http://www.aidslaw.ca/publications/interfaces/downloadFile.php?ref=2036