Une coalition nationale composée de personnes qui consomment de la drogue, d’organisations de défense des droits de la personne et d’organisations communautaires dénonce les graves failles du « modèle de Vancouver » et appelle au changement

Un système conçu « par » la police est « pour » la police, et non pour les personnes qu’il est censé aider.

Vancouver, C.-B.—Une coalition pancanadienne d’organisations de défense des droits de la personne, de défense des politiques en matière de drogues, d’organisations communautaires et d’organisations de consommateurs de drogues exprime de sérieuses préoccupations au sujet d’un modèle de décriminalisation des drogues qui sera soumis à l’approbation du gouvernement fédéral. S’il est adopté, le « modèle de Vancouver », tel que proposé par la ville de Vancouver, pourrait créer un précédent — le premier du genre au Canada — et encourager d’autres villes à suivre son exemple, parmi lesquelles des communautés en Ontario, en Alberta et au Québec. C’est pour cela qu’il est essentiel que ce premier modèle de décriminalisation soit bien conçu, en se centrant sur la santé et les droits des personnes qui consomment de la drogue, ainsi que sur les besoins de leurs proches et de leurs communautés.

« Le maire avait promis que les consommateurs de drogues seraient impliqués tout au long du processus. Mais en réalité, la Ville s’est réunie avec les services de police en privé et a conçu un régime restrictif. On nous a exclus et l’on ne nous a jamais donné les détails jusqu’à ce que ce soit un fait accompli », dit Garth Mullins, du Vancouver Area Network of Drug Users.

« Si je consommais encore autant d’héroïne que j’en avais l’habitude dans le passé, le ‘modèle de Vancouver’ du maire me rendrait à nouveau criminel, et ne me libérerait pas. Mais ce n’est pas trop tard pour corriger cela ».

~Garth Mullins du Vancouver Area Network of Drug Users

La coalition, qui s’est engagée à défendre la santé et les droits des personnes qui consomment de la drogue ainsi qu’à promouvoir des réformes progressives de la politique sur les drogues, fondées sur des données probantes, demande au gouvernement fédéral de corriger trois graves défauts du modèle actuel de Vancouver. Ces lacunes sont décrites dans une déclaration publique intitulée « La décriminalisation bien effectuée : Une vision de la réforme de la politique sur les drogues fondée sur les droits de la personne et la santé publique, publiée aujourd’hui » :

1. Absence de collaboration véritable avec les personnes qui consomment de la drogue dans la conception d’un système qui leur est destiné. Les personnes qui consomment de la drogue n’ont pas été consultées adéquatement, et cela a entraîné une proposition qui ne reflète pas les réalités actuelles de la consommation de drogues. Cela finira par nuire au succès du plan proposé pour décriminaliser la possession personnelle de drogues à Vancouver. Un système élaboré conjointement par ceux qui sont au cœur du problème a beaucoup plus de chances de réussir. La coalition appelle le gouvernement du Canada et la ville de Vancouver à faire participer les personnes qui consomment de la drogue de façon concrète et significative.

2. Les quantités seuils pour la possession décriminalisée de drogues sont trop basses. Santé Canada a demandé à la ville de Vancouver de proposer des quantités seuils pour chaque drogue qu’une personne peut légalement posséder. La fixation de quantités seuils peut apporter de la clarté et améliorer la santé et les droits de la personne des personnes qui consomment de la drogue. Par contre, s’ils sont fixés trop bas, ces seuils risquent de dévaloriser une proposition de décriminalisation et de causer des dommages. Les seuils proposés par Vancouver sont beaucoup trop bas et ne reflètent pas les réalités de la consommation actuelle de drogues. Reposant sur trois études que Vancouver reconnaît comme étant anciennes, les seuils proposés ne tiennent pas compte du fait que la tolérance aux drogues et les habitudes d’achat de nombreuses personnes ont considérablement augmenté et que le marché de la drogue lui-même a changé à cause de la COVID-19. Ce n’est qu’après la soumission des seuils à Santé Canada que des consultations avec les personnes qui consomment de la drogue ont eu lieu. La coalition appelle Santé Canada ou la ville de Vancouver à modifier les limites proposées à des niveaux plus réalistes, et ce, après une consultation approfondie avec les personnes qui consomment de la drogue.

« La mise en place et l’impact de seuils irréalistes nieront en partie les objectifs d’une loi de décriminalisation, et obligeront les gens à se cacher », déclare Leslie McBain, cofondatrice de Moms Stop the Harm.

« La criminalisation des personnes qui consomment de la drogue et la stigmatisation qui en résulte entraînent des conséquences négatives à long terme pour les individus, comme la peur dans leurs familles et leurs amis. La criminalisation est source d’instabilité et de peur pour les personnes qui consomment de la drogue qui, par conséquent, consomment souvent des drogues illicites tout seules finissent en mourant seules ».

~Leslie McBain, cofondatrice de Moms Stop the Harm

3. La police impose les paramètres de la décriminalisation. Le Service de police de Vancouver (SPV) a été impliqué dans la conception de cette proposition dès le début. Cette participation est très problématique, vu que le concept de « décriminalisation » est censé supprimer la participation de la police à une intervention politique, et non pas renforcer son rôle en lui permettant de participer activement à sa conception. Comme le déclare la ville de Vancouver, le modèle actuel a pour but d’être une politique axée sur la santé publique et fondée sur des preuves. Les actions de la police ont historiquement été à contre-courant des efforts de santé et de réduction des méfaits, et nous sommes très inquiets du rôle majeur joué par le SPV dans ce processus. Il n’existe aucun critère juridique ou autre qui oblige la police à participer à ce processus. Nous appelons la ville de Vancouver à supprimer toute influence policière sur le processus et la forme de décriminalisation proposée à Santé Canada.

« L’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ) réclame une approche sur les drogues basée sur les meilleures pratiques, incluant la participation pleine et entière des personnes touchées par la criminalisation des drogues. Plusieurs municipalités du Québec ont entamé des démarches en ce sens et certaines ont exhorté le gouvernement fédéral à décriminaliser la possession simple et mettre fin aux représailles néfastes que vivent les usagers de drogues et leurs proches », déclare Sandhia Vadlamudy, directrice générale de l’Association des intervenants en dépendance du Québec.

« Les municipalités du Québec, dont Montréal, doivent éviter le piège présent dans le modèle élaboré par Vancouver. L’AIDQ soutient les efforts pour que le Québec adopte une posture inclusive et non stigmatisante avec les personnes qui font usage de drogues. Il faut soutenir et non punir. »

~Sandhia Vadlamudy, directrice générale de l’Association des intervenants en dépendance du Québec

Plus encore, le modèle proposé ne permet pas d’aborder suffisamment les dommages intergénérationnels causés par les contrôles policiers excessifs et la stigmatisation structurelle dirigés vers les communautés indigènes et Noires et les personnes de couleur, qui souffrent de façon disproportionnée des impacts de la prohibition. Pour réussir, toute proposition doit tenir compte de cette réalité. Une décriminalisation bien effectuée doit être fondée sur des preuves et une bonne politique publique, et non pas sur les intérêts de la police. #DecrimDoneRight

Finalement, le modèle proposé ne répond pas aux besoins des jeunes personnes, et ne permet pas aux jeunes de moins de 19 ans de bénéficier des avantages de la décriminalisation. Au contraire, le modèle renforce le pouvoir discrétionnaire de la police, ce qui perpétue une pratique dangereuse où la police est la principale source de soutien pour les adolescents. Ces adolescents sont stigmatisés et ciblés pour leur consommation de drogues en particulier parce qu’ils sont jeunes.

« Il n’y a aucune raison valable de continuer à criminaliser les gens pour la simple possession de drogues au Canada, mais il existe de nombreuses évidences indiquant que nos lois actuelles causent des méfaits considérables. Afin de profiter des avantages de la décriminalisation, le ministre fédéral de la Santé doit exiger que les quantités seuils reflètent la réalité de la consommation et le point de vue des personnes qui consomment de la drogue. Sinon, nous compromettons tous les objectifs de la décriminalisation ».

~Sandra Ka Hon Chu, directrice de la recherche et du plaidoyer pour le Réseau juridique VIH

Contacts

  1. Dr Thomas Kerr — Scientifique principal au BC Centre on Substance Use et professeur au département de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique : 604-314-7817 (peut être consulté au sujet des seuils).
  2. Garth Mullins — Vancouver Area Network of Drug Users, Balado « Crackdown » : [email protected]
  3. Jean-Sébastien Fallu — Université de Montréal (français/anglais) : [email protected], 514-777-5948
  4. Leslie McBain — Moms Stop the Harm : [email protected]
  5. Marilou Gagnon — Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits (français/anglais) : [email protected]
  6. Sandhia Vadlamudy — Association des intervenants en dépendance du Québec (français) : [email protected], 514-287-9625, poste 103
  7. Scott Bernstein — La Coalition canadienne des politiques sur les drogues : [email protected], 604-500-9893
  8. Kali Sedgemore — Coalition of Peers Dismantling the Drug War : 604-220-7165, [email protected]
  9. Sandra Ka Hon Chu — Réseau juridique VIH : [email protected], 647-295-0861

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Téléchargez notre guide, qui explique pourquoi et comment les gouvernements provinciaux et municipaux devraient exiger une telle exemption

Autres commentaires

«Les personnes qui consomment de la drogue ont besoin de soutien, d’acceptation et d’inclusion. Il faut aller de l’avant et cesser de les stigmatiser structurellement avec nos lois et nos politiques sur les drogues. Ils ne sont ni des criminels ni malades». (Jean-Sébastien Fallu, Université de Montréal)

«Les infirmiers et infirmières de la Colombie-Britannique appellent la décriminalisation depuis deux ans. La ville de Vancouver a eu l’occasion de développer un modèle en collaboration avec les personnes les plus touchées par la décriminalisation et d’utiliser les meilleures pratiques de consultation, d’engagement et de transparence. Elle a échoué à le faire. Le modèle proposé continuera à punir et à nuire aux personnes qui consomment des drogues, ainsi qu’à perpétuer les obstacles aux soins de santé. Ce modèle ne reflète pas une approche axée sur les soins de santé». (Marilou Gagnon, Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits)

« Les jeunes devraient être invités à participer de façon concrète et équitable à l’élaboration conjointe des politiques qui auront un impact sur eux, contrairement à ce qui s’est passé lors de l’élaboration du ‘modèle de Vancouver’. Les organismes impliqués actuellement ne représentent pas les consommateurs et la proposition ne prend pas en compte les réalités des adolescents et de la consommation de drogues. Un modèle qui exclut les jeunes ne représente pas une véritable décriminalisation ». (Étudiant.es canadien.nes pour les politiques éclairées sur les substances psychoactives, section de Vancouver)

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