Si on peut l’épeler, on peut l’annexer.

C’est l’intention du gouvernement fédéral canadien. C’est-à-dire, inclure la méthylènedioxypyrovalérone (MDPV), une substance synthétique qui cause des effets psychoactifs de l’ordre des stimulants, à l’annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Du moins est-ce la proposition officiellement annoncée dans la Gazette du Canada du 9 juin 2012. Elle fait suite à l’annonce de la ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, que cette drogue serait interdite en raison des « reportages récents des médias qui ont associé l’utilisation des “sels de bain” à des cas de violence ». Les parties concernées ont jusqu’au 8 juillet 2012 pour commenter (détails ci-dessous).

Comme le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies l’a si prudemment fait remarquer, « les sels de bain ne sont pas des sels que l’on met dans son bain ».

Il s’agit plutôt du nom commun donné à la MDPV, l’un des ingrédients possibles d’une substance en vente, mais jusqu’ici, pas encore réglementée au Canada, contrairement à nombre de ses cousines déjà interdites à l’annexe III.

Les allégations du gouvernement selon lesquelles les sels de bain seraient associés à la violence proviennent de reportages hautement sensationnalistes d’un cas tragique d’agression à Miami, où les policiers ont abattu un homme alors qu’apparemment, il dévorait le visage d’un autre homme. Les autorités de Miami ont spéculé que cette attaque avait été causée par l’utilisation de sels de bain, bien que les résultats des analyses toxicologiques ne puissent pas être concluants avant quelques semaines. Elles ne se soucient pas non plus de ce que le protagoniste de cette histoire ait des antécédents de violence, selon Kate Heartfield dans Ottawa Citizen.

La proposition d’interdire la MDPV s’inscrit dans un cycle médiatique dans lequel nombre de reportages décrivent en détail les effets de son utilisation, comme par exemple un segment deThe Current sur CBC, avec Anna Maria Tremonti, le 30 mai. The Current a obtenu des interviews d’Halifax avec un ex-utilisateur de sels de bain et un médecin traitant les toxicomanies afin de souligner les effets présumés singulièrement dangereux de cette drogue et lui donner un biais médiatique maison. Déjà vu? Assurément. Des récits semblables « d’alerte aux drogues » ont été élaborés au sujet de la popularisation de nombreuses substances, y compris la meth en cristaux, le PCP, le crack, le speed, le LSD, l’héroïne, la mari et bien sûr, l’opium.
L’empressement d’interdire la MDPV et de l’ajouter à l’annexe I signifiera que les peines les plus dures des lois sur les drogues pourront s’appliquer aux personnes qui utilisent cette drogue, en font le trafic ou la produisent. Comme l’ont noté les chercheurs, l’interdiction des drogues comme la méphédrone en repousse l’usage et la fabrication plus loin dans la clandestinité, gonfle les prix, et empêche la mise en œuvre de formes de réglementation éventuellement utiles. L’interdiction de substances n’a pas accru la sécurité des gens, et n’a pas entraîné l’élimination de l’utilisation de drogues. Elle peut aussi renvoyer les utilisateurs à des drogues illicites traditionnelles ou à des « drogues légales » plus nouvelles et possiblement plus dangereuses.

Nous ne voulons pas ignorer ce que disent les personnes qui ont de mauvaises expériences avec la MDPV, mais nous ne voulons pas non plus nous précipiter pour interdire cette drogue. Dans ce cas-ci, c’est une réponse politique qui peut apaiser les électeurs inquiets, mais qui libère aussi les politiciens de la responsabilité d’aborder sérieusement les causes sous-jacentes de l’utilisation de substances problématique. Nous vous prions d’exprimer vos préoccupations à l’égard de cette interdiction.

Les commentaires sur ce changement proposé peuvent être adressés à M. Nathan Isotalo, Politiques et réglementation, Bureau des substances contrôlées, à l’adresse : 3503D, 123 rue Slater, Ottawa, Ontario K1A 0K9, par télécopieur au (613) 946-4224 ou par courriel à l’adresseOCS_regulatorypolicy-BSC_ [email protected].

Pour plus d’information, consultez : Curiosity killed M-Cat: A post-legislative study on mephedrone use in Ireland, Marie Claire Van Hout et Rebekah Brennan. Drugs: education, prevention and policy, Avril 2012; 19(2): 156–162 (en anglais seulement).

About admin