Quel rôle jouera le Canada dans l’orientation d’une politique mondiale sur les drogues?

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Les Canadiens s’enorgueillissent de recevoir un accueil favorable à-travers le monde. Non seulement parce que nous avons des paysages majestueux ou de braves athlètes olympiques, mais également pour nos contributions en matière de diplomatie internationale.

La Commission annuelle des stupéfiants (CS) de l’Organisation des Nations Unies qui se réunira à Vienne les 13 et 14 mars 2014 nous offre la possibilité d’ajouter une page à cette riche histoire. À cette occasion, la communauté internationale se réunira pour discuter de la façon d’améliorer la réponse mondiale face aux problèmes liés à la consommation et au trafic de stupéfiants.

Historiquement, le Canada a joué un rôle important dans ces débats et a prôné un large éventail d’approches en matière de santé publique, ainsi que des mesures coercitives fondées sur des données factuelles contre les groupes criminels organisés qui produisent et vendent les drogues illicites. Notre influence est décuplée par le fait que nous contribuons financièrement, de manière significative, au Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues.

Mais certains observateurs internationaux s’inquiètent de ce que nous communiquerons cette année à la Commission des stupéfiants.

Dans un article publié récemment par l’Ottawa Citizen, Michel Kazatchkine, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le sida en Europe de l’est et en Asie centrale, a fait remarquer: « Le Canada est depuis longtemps un chef de file mondial dans la mise en oeuvre de politiques de réduction des méfaits en matière de consommation de médicaments à usage domiciliaire. Voilà pourquoi il est presque choquant de voir ce pays s’aligner sur des pays tels que la Russie et la Chine, qui s’opposent à ce que la «réduction des méfaits» fasse partie des nouveaux principes élaborés par les Nations Unies pour guider les négociations lors de la session extraordinaire de 2016. »

Kazatchkine a ensuite décrit la hausse alarmante de nouveaux cas d’infections par le VIH en Russie, attribuable au manque de services de réduction des méfaits disponibles aux usagers de drogues injectables. En fait, le gouvernement russe s’oppose généralement aux services tels que l’échange de seringues et les programmes de traitement à la méthadone, qui sont des services éprouvés permettant de sauver des vies.

En tant qu’ancien Directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et membre de la Commission  mondiale des politiques sur les drogues, Kazatchkine sait de quoi il parle. En effet, la Commission mondiale a sonné l’alarme en 2012 sur la relation continue entre les politiques répressives de contrôle des drogues et la propagation du VIH. Le message à retenir est donc simple : le refus d’offrir des services de réduction des méfaits aux consommateurs de drogues, jumelé à la criminalisation de la possession de drogues, oblige les individus à chercher refuge aux endroits où la propagation du VIH est beaucoup plus probable, en raison de l’utilisation commune de matériel d’injection de drogues.

Kazatchkine n’est pas le seul expert international à exprimer ses inquiétudes face à la position du Canada. Selon un article publié dans le Journal de l’Association médicale canadienne, au cours d’une récente session de négociation menant à la CS, le « Canada se trouve encore une fois aux premiers rangs de la bataille » contre l’appui de l’ONU envers « des mesures d’atténuation et de réduction des méfaits », selon les dires du Consortium International des Politiques liées à la Drogue (IDPC), un groupe britannique témoin aux négociations. Dans unrapport publié après la session, un observateur de l’IDPC a déclaré que le Canada « s’est exprimé haut et fort tout au long » de la session et s’est opposé à toute référence au terme « réduction des méfaits ».

Nous ne savons pas exactement quelle sera l’approche de la délégation du Canada au CS cette année, mais nous avons élaboré certaines recommandations, conjointement avec le Réseau juridique canadien VIH/sida.

Vous pouvez lire l’ensemble de notre proposition ici.

Nous y invitons la délégation à mettre l’accent sur les éléments suivants, lors de leurs discussions avec les autres États membres :

1. Encourager tous les pays à adopter une démarche globale en matière de santé publique envers la consommation de drogues, y compris la décriminalisation.

2. Encourager les pays à mettre à l’essai de nouvelles idées et politiques sur les drogues axées sur la santé.

3. Respecter, protéger et promouvoir les droits de la personne (plus particulièrement en ce qui concerne l’opposition à la torture dans les centres de détention pour toxicomanes et l’opposition à la peine capitale pour les crimes liés à la drogue).

4. Assurer le plein accès aux médicaments essentiels.

5. Promouvoir le plein engagement de la société civile aux débats concernant la politique à adopter en matière de drogues.

6. Remettre en cause l’utilité des termes associés aux efforts mis en oeuvre d’un « monde sans drogues »

7. Reconnaître le mandat confié à l’OMS dans le cadre des Conventions de 1961 et de 1971, de formuler des recommandations en matière de classement des substances.

Même si nos recommandations ne sont pas adoptées au cours de cette CS, nous disposons de 2 ans pour poursuivre cette conversation, avant la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) en 2016. Cette assemblée est d’importance capitale en matière de politique internationale  sur les drogues, et présente une occasion unique de démontrer les dysfonctionnements du présent système de contrôle des drogues. Elle représente une excellente occasion de réorienter l’approche mondiale en faveur de mesures globales de santé publique, pour faire face aux problèmes liés aux drogues.

Le Canada est bien placé pour jouer un rôle de premier plan pour mettre de l’avant ce changement. La collectivité internationale n’attend rien de moins.

About Donald MacPherson

Donald MacPherson is the Executive Director of the Canadian Drug Policy Coalition and one of Canada’s leading figures in drug policy. In 2000 he published Vancouver’s groundbreaking Four Pillars Drug Strategy that precipitated a broad public discussion on issues related to addiction.