Chaque jour, la plupart d’entre nous faisons des suppositions. Nous supposons que nous sommes généralement en sécurité chez nous et dans nos rues. Nous supposons que les services gouvernementaux sur lesquels nous comptons vont continuer, inchangés. Nous supposons que notre espèce, comme personnes ou comme communauté, va s’améliorer avec le temps. Nous ne prévoyons pas un effondrement de notre système économique ou politique.
Si nous n’entretenions pas certaines suppositions, nous n’aurions pas le temps de nous occuper de vivre au jour le jour. Et pourtant, il plane au-dessus de nous un nuage de grands titres de l’actualité qui devrait nous pousser à revoir nos attentes fondamentales.
Au cours des quatre dernières années, l’économie mondiale a connu une crise multidimensionnelle. L’énorme dette américaine à long terme, la faillite des administrations d’État et locales, une zone euro menaçant de se dissoudre – ce ne sont que quelques-uns des facteurs qui nous obligent à repenser certaines de nos suppositions.
La plupart des Canadiens s’en sont tirés à meilleur compte que les citoyens d’autres pays développés. Mais nous ne sommes pas immunisés contre la mauvaise santé financière et son effet sur la qualité de nos vies. Notre population est vieillissante, et ses demandes au système de santé du pays augmenteront ainsi que d’autres « dus ». Nous pouvons entrevoir une concurrence féroce entre ministères et organismes pour obtenir des fonds leur permettant de subsister, sans parler de croître.
En regardant outre nos frontières, nous voyons des exemples des répercussions des difficultés financières sur la justice pénale et la sécurité publique. En Angleterre et au Pays de Galles, on réduit présentement l’effectif du maintien de l’ordre de plus de 20 000 policiers. Nombre d’administrations américaines ont déjà procédé à une rationalisation importante des services de police, en raison d’assiettes fiscales diminuées. Dans le domaine correctionnel, la Cour suprême des États-Unis a ordonné à la Californie de réduire sa population carcérale de plus de 30 000 détenus, en réponse directe à la surpopulation.
Au pays, la juge en chef McLachlin a déclaré que les honoraires d’avocat élevés sont un obstacle insurmontable à la justice, pour ceux qui n’en ont pas les moyens. En Colombie-Britannique, les avocats de l’aide juridique ont parfois refusé leurs services afin de souligner le caractère inadéquat du budget de ce système. Le manque de disponibilité des shérifs a causé, dans certains cas, la fermeture non prévue de tribunaux. L’effet financier du projet de loi C-10 fait l’objet de débats incessants, et le coût des services de police de la GRC donne lieu à un examen sérieux des solutions de rechange municipales.
Nos propres crises ne semblent pas avoir l’effet marteau de celles qui ont cours aux États-Unis et ailleurs. Nous avons l’avantage de disposer de temps pour réfléchir à des solutions de rechange et à des options avant d’avoir à faire face aux conséquences de style américain ou britannique.
Pour encadrer la discussion de nos options, les organisateurs du Congrès canadien de justice pénale de 2013 ont déterminé que le thème de l’an prochain (du 2 au 5 octobre, à Vancouver) sera La justice au 21e siècle : les aspects économiques de la sécurité publique. Le congrès de 2013 est une entreprise conjointe de l’Association canadienne de justice pénale (www.ccja-acjp.ca) et de l’Association de justice pénale de la Colombie-Britannique (www.bccja.com). Ce sera la 34e de ces assemblées biennales.
Récemment, le site Web de l’ACJP a publié un Appel de communications qui seront présentées au Congrès. L’annonce a aussi paru dans le magazine trimestriel, La Revue canadienne de criminologie et de justice pénale. L’Appel de communications constitue une occasion de contribuer directement à la conversation sur la réforme de la justice, un mouvement de réforme qui sera de plus en plus présent en raison du besoin de trouver des solutions abordables et durables.
Pierre Trudeau a parlé du Canada, il y a plus de 40 ans, comme étant une « société juste ». Si nous aspirons véritablement à créer et à conserver un pays qui se veut une société juste, nous devons réfléchir à fond et sérieusement à la forme de notre système de justice, à son fonctionnement efficace, et à notre capacité de garantir et d’améliorer la sécurité publique. Il est temps de vérifier nos suppositions.